Enez Sun (suite)


Île de Sein

L'île mystérieuse

Sein, en breton Enez Seun ou Sizun, est certainement l'île la plus énigmatique du littoral breton. Ces 56 hectares de terre qui culmine à 8m d'altitude seulement, à 9 milles au large de la Pointe du Raz, ont d'ailleurs fait rêver bien des imaginations.
Il s'agit probablement, mais ce n'est point certain, de l'insula Sena des latins. Pomponius Mela, au 1er siècle de notre ère, écrivait : « Sena se trouve dans la mer britannique, en face du littoral des Osismes. Elle est célèbre par l'oracle d'une divinité gauloise. Ses prêtresses sont sanctifiées par le vœu de virginité perpétuelle. On dit qu'elles sont au nombre de neuf. Les gaulois les nomment Sènes. Ils pensent que, douées de pouvoirs exceptionnels, elles peuvent par leurs incantations déchaîner les flots et les tempêtes, se métamorphoser selon leur caprice en toutes espèces d'animaux, guérir les maladies réputées incurables, connaître l'avenir et le prédire : mais elles n'exerceraient leur art qu'en faveur des navigateurs qui s'embarquent dans le seul dessein de les consulter. »
Le nom même de Sein a donné lieu à de nombreuses discussions. Au cours des siècles, il a revêtu en effet des formes diverses : en breton Seidhun, Sysun, Sun, Susun, Hun ; en français Seyne, Saign, Sainct, Sain, Saint, Seins, Senes. Les interprétations les plus variées n'ont donc pas manqué. C'est ainsi que les philologues du XIXe siècle y ont vu le mot courant sizun qui désigne la semaine et dont l'étymologie serait seiz hun, « sept sommeils » ; Sein devient donc l'île des Sept-Sommeils et l'on n'hésita pas à rattacher l'île à la légende des sept dormants d'Éphèse.

Des prières à la Lune

L'île aurait été évangélisée au Ve siècle par saint Gwénolé. Un prieuré qui portait son nom et lui devait, dit-on, son origine, existait encore au XVIIIe siècle. En fait, le christianisme à Sein subit au cours des siècles bien des déformations et, plus longtemps qu'ailleurs, l'ancienne religion survécut sous des formes mêlées. C'est ainsi qu'à l'époque où dom Michel Le Nobletz vint prêcher dans l'île en 1613, les Sénans s'adonnaient à de curieux rites. « C'était une coutume reçue dans l'Île de Sein, nous dit le Père de Saint-André, biographe de l'apôtre, de se mettre à genoux devant la nouvelle Lune et de réciter en son honneur l'oraison dominicale. » Trois femmes, héritières des druidesses antiques, y enseignaient encore le culte du Soleil, Doue tad, c'est-à-dire « Dieu Père ».

Le domaines des druidesses
Malgré des destructions systématiques dues à des chercheurs de trésor, plusieurs mégalithes subsistent encore à Sein. Le tumulus de Nifran qu'une croix surmonte contient les ruines d'un dolmen dont il ne reste que trois supports, auprès desquels la dalle de couverture gît, brisée. En son milieu s'ouvre un trou de 35 cm de diamètre. Un rocher voisin, au lieu dit Kador, « la chaise », a reçu le nom de Karreg ar vran, le « rocher du corbeau ». une légende veut en effet que, durant des années, deux de ces oiseaux soient venus faire leur nid sur le tertre de Nifran. Il s'agit peut-être ici d'un souvenir du culte du corbeau, assez répandu chez les Bretons.
Sur ces pierres de Kador siégeaient les druidesses. D'une excavation qui s'y trouve creusée, elles auraient prononcé leurs oracles. Beaucoup plus récemment, deux blockhaus de béton y ont été construits. C'est peut-être en hommage à l'universelle dualité de l'île que les îliens les ont par ironie surnommés le Vatican et le Kremlin. Distants de 0,80m l'un de l'autre, sur le côté droit de l'église, deux menhirs de 3,30m et de 2,70m, le premier effilé en triangle, le second découpé en forme de crochet ont reçu le sobriquet de ar Bregourien, « les causeurs ». Près de Tro-ar-C'he existe un autre menhir, de 1,54m de hauteur. Bien des mégalithes ont été bouleversés, abattus ou détruits au cours des siècles. On voit encore à Kilaourou, une enceinte appelée Toul Korriged, le « trou des fées ». Du dolmen qui s'y trouvait, il ne reste que 12 pierres, ainsi qu'un menhir renversé. Des fouilles ont livré une grande abondance de crânes et de fragments de glaives.

(à suivre...)

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